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Auteur : Gaucher V de Chatillon (env. 1250 - 1329), connétable de France sous cinq Rois


Date : juillet 1316


Contexte historique :

Ces mots auraient été prononcés par Gaucher de Chatillon lors du Conseil de Régence réuni quelques semaines après la mort du Roi Louis X le 5 juin 1316.

Le futur Louis X est marié en 1305 à Marguerite de Bourgogne et une fille, Jeanne de Navarre, nait de cette union le 28 juin 1311. Mais, depuis quelques mois déjà, dans la Tour de Nesle à Paris, Marguerite de Bourgogne et sa cousine Blanche de Bourgogne, épouse du frère cadet de Louis, le futur Charles IV, commettent l'adultère avec les écuyers de leurs maris, les frères Philippe et Gautier d'Aulnay (ou Aunay).

Isabelle de France, soeur de Louis mariée au Roi d'Angleterre, en visite en France, confond les deux femmes en reconnaissant à la ceinture des écuyers les bourses brodées qu'elle à offertes à ses belles-soeurs. Ainsi dénoncées au roi Philippe IV le Bel, Marguerite et Blanche de Bourgogne sont condamnées en 1314 et emprisonnées à Chateau-Gaillard, alors que leurs amants sont roués, écorchés vifs, châtrés et décapités.

Le 29 novembre 1314, Louis X, dit le Hutin, succède à son père Philippe le Bel, à l'âge de 25 ans. Il se remarie le 19 août 1315 avec Clémence de Hongrie. Lorsque Louis X meurt dans la nuit du 4 au 5 juin 1316, Clémence est enceinte de quatre mois. Louis X n'ayant pas d'héritier mâle à sa mort, et en attendant la naissance de son enfant posthume, le problème de sa succession se pose, pour la première fois dans l'histoire de la royauté française. Un grand Conseil présidé par le Régent Philippe, Comte de Poitiers et frère puîné de Louis X, est réuni en juillet 1316 pour décider de la succession.

Si l'enfant posthume est un garçon, il accèdera naturellement au trône de France. Mais si une fille vient à naître, quelle devra âtre la décision à prendre ? Un doute subsistant sur la légitimité de Jeanne de Navarre, conçue alors que Marguerite de Bourgogne avait déjà des relations adultérines, de nombreux membres du Conseil s'opposent à son accession au trône. Mais faire couronner la seconde fille de Louis X apparaîtrait comme une offense au Duc de Bourgogne, oncle de Marguerite, et pourrait conduire à une guerre civile.

Gaucher V de Chatillon, connétable de France, propose alors de décréter l'impossibilité pour les filles d'accéder à la couronne, bien qu'aucune coutume du passé ne semble légitimer cette solution (seule la loi salique, issue d'un loi franc-salienne, excluait les femmes de la succession à la terre, mais elle était difficilement transposable au cas présent)... Le Connétable se serait alors écrié :

"En vérité, ce serait folie que de laisser fille monter au trône ! Voyez-vous dame ou donzelle commander les armées, impure chaque mois, grosse chaque année ? Et tenir tête aux vassaux, alors qu'elle ne sont point capables de faire taire les chaleurs de leur nature ?
Non, moi je ne vois point cela, et je vous le dis, la France est trop noble royaume pour tomber en quenouille et être remis à femelle.
Les lis ne filent pas !"

Pour repousser la décision à plus tard, il est décidé qu'en cas de naissance d'une fille, Philippe garderait la Régence jusqu'à la majorité de Jeanne et qu'une décision serait prise à ce moment là. (accession d'une des filles à la couronne ou décret d'impossibilité d'accession).

Le 14 novembre 1316, Clémence de Hongrie met au monde un garçon. Ce dernier naît sous le nom de Jean 1er, dit le Posthume. Malheureusement, il meurt cinq jours plus tard, laissant entière la question de la succession. Le Comte de Poitiers se fait alors proclamer Roi, sous le nom de Philippe V le Long, et tuteur de la petite Jeanne de Navarre.

La question de la succession se posera à nouveau 12 ans plus tard, à la mort de Charles IV le Bel, qui comme ses frères Louis X et Philippe V, meurt sans héritier mâle. Il laisse lui aussi une épouse enceinte (qui accouchera d'une fille, Blanche), une soeur Isabelle Reine d'Angletterre, désireuse de faire couronner son fils Edouard III, et un cousin, Philippe de Valois, qui accèdera finalement au trône en vertu de l'application de la loi salique évoquée par Gaucher de Chatillon et Philippe V.



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Valentin Daucourt